La photo de paysage en baie de Somme
Diversité des paysages
C’est une des richesses de la baie de Somme que d’offrir au photographe une variété de paysages fort différents qui se côtoient sur quelques kilomètres, le long du littoral picard. Le photographe amateur de photo de paysage est comblé en baie de Somme ! Bien que l’estuaire de la Somme n’occupe qu’une part de la côte picarde, le terme « Baie de Somme » a fini par s’imposer dans le langage commun. La « baie de Somme » désigne aussi la quasi-totalité du littoral de la Picardie Maritime.
Ici, on passe donc des falaises à la plage, des marais aux dunes, des bois aux étendues de galets, en quelques dizaines de minutes en voiture. Le jeu des marées modifie complètement les paysages sur la côte et dans la baie, les saisons colorent la végétation différemment et l’heure de la journée conditionne l’éclairage. Ces paysages sans cesse renouvelés sont donc une source d’inspiration permanente pour le photographe comme l’illustre ce portfolio.
Il est ainsi possible de fréquenter régulièrement les mêmes lieux et de rapporter chaque fois des images très différentes, tant les combinaisons différentes de ces éléments sont possibles. Le littoral est orienté vers l’ouest, idéal pour les couchers de soleil sur la mer, mais l’estuaire est perpendiculaire à la côte. Avec l’expérience et suivant les images que l’on a en tête, on apprend à diriger ses pas plutôt vers le nord ou plutôt vers le sud, pour bénéficier de l’éclairage souhaité, tout comme on apprend à intégrer les heures et les coefficients de marées.
Les renclôtures
Dans cette diversité de paysages, on trouve, en périphérie de la baie de Somme, les « renclôtures« , nom local donné aux terres gagnées sur la mer au fil des siècles. La baie proprement dite est, en effet, aujourd’hui, entourée d’une digue qui bloque l’avancée de la mer lors des grandes marées. Ces pâtures humides sont parcourues de fossés et de petits chenaux et sont parsemées de mares et d’étangs, avec parfois de vieilles clôtures à demi immergées, probablement plus symboliques qu’efficaces.
Les ambiances matinales chargées de brume y sont particulièrement photogéniques et il est facile de tirer parti des reflets du ciel coloré dans l’eau. Les vaches écossaises aux longs poils (Highland Cattle) et les chevaux Henson, cette race locale à la belle robe beige et dorée, si bien adaptée au tourisme équestre, peuplent ces prairies et donnent de la vie aux images. Autour de la baie, la plupart des paysages portent l’empreinte de l’homme puisque ce sont des terres qui ont été gagnées sur la mer.
La Somme, canalisée entre Abbeville et Saint-Valery-sur-Somme, offre une longue perspective rectiligne. Elle emporte le regard au loin et permet de jouer avec les fuyantes. Le long de ce canal s’étendent les marais de la basse Somme avec une multitude d’étangs. Cette nature entretenue et domestiquée est néanmoins riche de possibilités pour la photo de paysage. C’est vrai notamment à l’automne et au printemps lorsque le soleil perce le brouillard et que les silhouettes fantomatiques des arbres émergent peu à peu de la brume.
La côte crayeuse et les falaises
Au sud de la baie, c’est un paysage radicalement différent qui s’offre au regard avec les falaises qui s’étendent ensuite jusqu’à la Normandie. Ce sont les silex extraits du calcaire par l’action de la mer qui forment les galets.Il roulent sous l’effet des courrant et on les retrouve amassés jusqu’à la pointe du Hourdel en un cordon naturel qui protège les terres. Les jours de grand beau, le calcaire blanc prend une belle teinte dorée lorsqu’il est éclairé par le soleil couchant.
Le sommet des falaises est l’un des rares points hauts de la région pour la photo de paysages. Le sentier des douaniers ouvre sur de nombreuses perspectives dans lesquelles se découpe le profil ondulé et vallonné du littoral qui serpente vers le lointain.
S’approcher du bord est vivement déconseillé à cause des risques d’éboulements, mais il est bien difficile de résister à l’envie de prendre quelques images au grand angle… Au pied des falaises, on mesure mieux le risque en découvrant les éboulis et les blocs de craie épars. À marée haute, les vagues viennent se briser sur ces blocs, offrant la possibilité de mettre du mouvement dans les images en figeant les gerbes d’éclaboussures ou encore l’écume qui s’envole.
À marée basse, c’est le plateau crayeux rongé par la mer et d’où émergent les silex qui s’offre à la vue. Le sol accidenté est strié de fissures, là où le calcaire le plus friable a disparu, qui guident le regard. C’est un des rares endroits de la côte où l’utilisation de filtre neutres est intéressante pour obtenir des effets de pose longue sur l’eau en mouvement.
En effet, les rochers offrent un contraste de netteté et d’immobilité avec l’élément liquide flou et dynamique. Un trépied bien stable et bien lesté est nécessaire. Contrairement à ce qui ce passe dans un torrent, ici les vagues viennent le bousculer régulièrement. Le risque de flou n’est pas négligeable. Le soleil se couchant dans l’alignement des falaises offre des couleurs chaudes. Elles colorent les nuages et complètent l’aspect onirique des images ainsi produites. Si le filtre polarisant permet de renforcer encore cette sensation. J’avoue, pour ma part, ne l’utiliser que très rarement, le résultat s’éloignant souvent trop de la réalité, à mon goût.
Le Marquenterre
À quelques dizaines de kilomètres de là, au nord de la baie, on trouve le Marquenterre. Ici, le paysage est constitué de dunes sur lesquelles la végétation varie au fur et à mesure que l’on s’éloigne du bord de mer et des embruns salés. Les dunes blanches, mobiles, sont partiellement couvertes d’oyats qui ondulent dans le vent, les argousiers dont les baies orange colorent le paysage à l’automne, viennent ensuite, pour finalement laisser la place aux dunes boisées. Les douces courbes des dunes permettent des compositions harmonieuses et un petit téléobjectif du type 70-200 permet de bien séparer les différents plans. L’endroit est fréquenté par les cavaliers en randonnée qu’il est intéressant d’inclure dans les images, autant pour fournir un facteur d’échelle que pour donner de la vie au paysage.
Ici également l’homme a marqué le paysage de son empreinte, et la basse mer dévoile les quelques 50 000 bouchots plantés pour l’élevage des moules. Ces alignements géométriques ne sont pas dénués de possibilités graphiques et la technique de la pose longue donne des résultats intéressants.
L’estuaire de la Somme et la baie
Au centre de ces deux unités paysagères si différentes, on trouve l’estuaire de la Somme proprement dit. Ici tout est plat, impossible de prendre de l’altitude. Pour embrasser la baie du regard, il faut aller sur l’une des deux plateformes d’orientation du Crotoy ou de Saint-Valery. Il n’y a guère que le drone pour découvrir les méandres des chenaux à marée basse. Deux milieux différents se côtoient ici : le schorre et la slikke.
Le schorre est la partie périphérique de l’estuaire, couvert de plantes halophiles, cet espace est communément désigné sous le nom de « mollières« . Ces mollières traduisent l’ensablement progressif de la baie et ne sont plus recouvertes par la mer que lors des grandes marées. Les moutons de pré-salé (AOC), les chenaux… sont autant de premiers-plans qui peuvent être inclus dans les compositions. En juin/juillet, les lilas de mer (statices sauvages) en fleurs forment de vastes tapis violets du plus bel effet.
La slikke, découverte à marée basse, est en revanche bien plus difficile à photographier. Il n’est pas simple, en effet, de réaliser des images de cette étendue plate et vide, qui ne soient pas, elles-mêmes,… plates et vides ! Les premiers plans qui permettent de donner de la profondeur à l’image sont rares, et il faut tirer parti de chaque relief possible : touffe de Spartine ou de Salicorne, amas de coquillages, envolée d’oiseaux ou même personnage. En l’absence de premier plan, les micro-reliefs du sol prennent toute leur importance.
Le sable sculpté par l’eau et le vent offre ainsi une grande variété de motifs graphiques allant des simples ondulations à un relief craquelé quasi-lunaire. Les multiples chenaux sinueux guident le regard et sont autant de fuyantes à exploiter pour la construction des images. Dans ces compositions dépouillées, les ciels et la qualité de la lumière deviennent également essentiels pour que la photo retienne l’attention. Les ciels nuageux offrent alors bien plus de possibilités que le grand beau. Les nuages colorés se reflètent dans les flaques, les trouées de lumière permettent des effets de clair-obscur… Les orages en baie peuvent ainsi transformer le paysage et lui donner un aspect dramatique que l’on saisira avec bonheur. Attention toutefois, si le tonnerre gronde, il convient de quitter la baie car le risque de servir de paratonnerre est certain !
Rappelons également que la marée monte vite, que les courants sont forts, qu’il y a des sables mouvants. Il convient vraiment de s’informer des risques avant de s’aventurer en baie. Plusieurs associations de guides-nature sont à votre disposition pour cela.
Je n’ai volontairement abordé que la photo de paysage « à pied » dans cet article, mais la Baie de Somme offre évidemment bien d’autres possibilités pour les amoureux de belles images. Les oiseaux sont omniprésents et attirent nombre de photographes animaliers. Les plages de Cayeux, du Crotoy, de Quend et Fort-Mahon sont très fréquentées par les adeptes du kitesurf et du char à voile, disciplines qui offrent également la possibilité de réaliser de bien belles photos . Les amateurs d’ULM trouveront sans aucun doute matière à s’exprimer en survolant la baie. Enfin, les picards vivent en intimité avec leur baie et les possibilités de portraits et de reportages sauront inspirer les amateurs de photo humaniste.