Agneaux de prés salés en baie de Somme

Dès qu’arrive le printemps, les moutons d’estran, envahissent les mollières pour venir déguster les plantes halophiles. La flore maritime chargée de sel et d’iode, alliée aux longs déplacements, donne ce goût si particulier à la chair des agneaux, fort appréciée des connaisseurs. Cette viande est commercialisée sous l’appellation d’origine contrôlée (AOP) « Prés-salés de la baie de Somme« . Durant l’estive, les moutons d’estran se nourrissent principalement de puccinelle,  de salicorne, d’aster maritime et de lilas de mer.

Emmener ainsi les moutons pâturer dans les mollières est une tradition locale attestée depuis le XVème siècle au moins. Les agnelages ont lieu en bergerie durant l’hiver, même si certains éleveurs programment des naissances au printemps pour éviter les ruptures d’approvisionnement. Les deux ou trois premiers mois qui suivent leur naissance, les agneaux sont nourris principalement au lait maternel. Les bêtes sortent en Mars après les grandes marées d’équinoxe et restent en baie deux mois et demi au minimum, sur une période qui s’étend jusqu’en automne.

Leur viande est commercialisée fraîche en boucherie de Juin à Janvier. L’AOP interdit la congélation mais les conserveries en proposent toute l’année en bocaux. Les races autorisées par l’AOP sont sélectionnées pour leur résistance aux longues marches, et au milieu difficile. Il s’agit des races Suffolk, Hampshire, Roussin, Ile-de-France, Rouge de l’Ouest, Boulonnais et Vendéen. Aujourd’hui une association regroupe une douzaine d’éleveurs dont les 3600 brebis et 2200 agneaux au plus fort de la saison, constituent les 4 grands troupeaux de la baie.

Autrefois, chaque habitant des communes environnantes avait le droit de faire paître quelques moutons, et depuis des bergers et bergères sont employés de façon collective pour surveiller et guider les troupeaux. Il n’y a pas de prédateurs en baie de Somme, mais le risque d’enlisement dans les rieux les plus boueux est réel et l’arrivée de la marée est alors fatal. Il convient donc de guider les bêtes en permanence vers les passes les plus sûres et le berger doit régulièrement extirper des animaux prisonniers de la vase. Ce savoir-faire est mis à l’honneur chaque année lors de la fête de l’agneau en Septembre à Saint-Valery, avec une petite transhumance et des démonstrations de chiens de berger.

Certains troupeaux comptent aussi quelques chèvres. Une explication à leur présence et qu’elles ont le pied sûr, sont moins hésitantes que les moutons et qu’elles aident à guider le troupeau qui les suit naturellement. Pour autant, un berger m’a également dit que c’était juste pour le plaisir de les voir et de les élever qu’elles accompagnaient son cheptel…

Les troupeaux sont visibles entre Le Crotoy et Noyelles-sur-mer, également face à Saint-Valery où ils viennent régulièrement boire dans le chenal de la Somme, ou encore au Cap Hornu. Lorsque les coefficients de marée sont trop forts, les mollières sont envahies par l’eau. Tout ce petit monde retourne alors dans les pâtures derrière la route panoramique qui sert de digue autour de la baie.

Ce matin là, la brume qui peinait à se lever et la présence des tout jeunes agneaux m’ont décidé à m’arrêter le temps d’une séance de prises de vues. Le troupeau venait d’être libéré de l’enclos où il passe la nuit et les moutons encore tous regroupés se dirigeaient vers leurs zones de pâturage préférées. Un rayon de brume créait une atmosphère toute particulière en arrière-plan et c’était vraiment un plaisir de voir les jeunes agneaux gambader comme des cabris. Une belle ambiance au milieu des bêlements des animaux…

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