Le Bois du Rompval

Cette année j’ai eu le plaisir de pouvoir participer à la seule et unique visite annuelle du bois du Rompval, sur les falaises entre Mers-les bains et le bois de Cise. Le site est habituellement fermé au public et c’est la seule occasion offerte d’y pénétrer et de le découvrir, uniquement sur inscription.
Tout d’abord, commençons par une petite précision sur l’origine du nom de ce bois. Le « Rompval », c’est cet endroit où la falaise coupe le petit vallon en haut du plateau calcaire (le « val est rompu ») et qui a donné son nom au bois.
A l’origine la forêt couvrait tout le haut des falaises, da Ault à Mers-les bains, mais on sait que déjà au 17ème siècle il ne restait plus que le bois du Rompval et le bois de Cise. Le bois du Rompval couvre aujourd’hui une superficie de 55 ha environ. Il fut longtemps la propriété d’une famille qui ne l’utilisait que pour la chasse à la bécasse, sans exploiter le bois. Aujourd’hui le bois du Rompval appartient au Conservatoire du Littoral, avec une délégation de gestion au Syndicat Mixte de la Baie de Somme.
La situation du bois du Rompval, entre terrre et mer et en haut des falaises, ainsi que le fait que le bois n’ait pas été exploité depuis de nombreuses années, en font un un site remarquable pour la biodiversité. Ici les sols ne sont pas tassés par les engins très lourds de l’ONF, ce qui permet aux fleurs printannières de s’épanouir. C’est ainsi un des rares endroits de la région où les jonquilles sont présentes en début de printemps. La proximité du trait de côte, marquée par les attaques du vent et des embruns salés, produit également le phénomène dit « d’anémomorphose » : la forme des arbres les plus proches du bord de la falaise est sculptée par les intempéries, les troncs et les branches sont courbés et comme torturés et allongés par le vent, avec des pousses nécrosées par les embruns. Ces premiers arbres sont ainsi sacrifiés par la nature pour protéger le reste du bois plus éloigné de la falaise, qui retrouve une apparence plus classique, avec comme essences principales le hêtre, le chêne, le charme…

Soixante-dix (70) espèces d’oiseaux ont été recencées ici, et le bois abrite également des renards, blaireaux, chevreuils, et quelques sangliers. C’est egalement une des dernières stations connues d’un papillon en voie d’extinction dans les Hauts-de-France. La fermeture du site au public, permet de ne pas déranger les espèces qui vivent ici. Pour la flore, on trouve la Parisette à quatre feuilles – Paris quadrifolia (et à 5 feuilles aussi !), le fragon (Ruscus aculeatus L.) petit abuste mi-houx, mi-buis, et d’autres plantes rares dans les Hauts-de-France. Au printemps, le sol est couvert de jacinthes sauvages (Hyacinthoides non-scripta), d’ail des ours en fleurs (Allium ursinum), de stellaires des bois (Stellaria nemorum) et parsemé de Lamier jaune (Lamium galeobdolon) ou de Bugle rampant (Ajuga reptans). Une compétition pour la lumière s’installe, avec les fleurs au sol qui apparaissent les premières, puis les arbustes tels que le noisetier qui font leurs feuilles à l’étage supérieur, et enfin les grands arbres qui vont finalement faire leur feuillage et capter l’essentiel de la lumière du jour.

Pour préserver cet ilôt de biodiversité, le syndicat mixte a fait le choix de laisser le bois en libre évolution, en intervenant le moins possible en dehors des deux allées principales. C’est en partie pour cette raison que l’accès au public est interdit. Le bois mort n’est pas ramassé, avec de nombreuses branches brisées qui restent en équilibre précaire dans les hauteurs et peuvent chuter à tout moment. Le bois n’a pas non plus été complétement déminé après guerre et il reste encore des obus non explosés, les trous de bombes de-ci, de-là le confirment. Enfin il convient de ne pas piétiner les sol pour préserver la flore. Ici on ne vient qu’une fois par an et on marche en file indienne !
La promenade se poursuit dans le prè aux anglais, pâture située au coeur du bois, qui servit de camp de base aux anglais lors de la guerre de 100 ans et lors de la première guerre mondiale. Lorsque les premiers chars d’assaut furent déployés en 14-18, c’est ici que les soldats apprenaient à piloter ces engins. C’est un autre écosystème où l’homme est bien présent (surtout les vaches en fait !), qui n’est pas exempt de traitements phytosanitaires de la part de l’agriculteur exploitant car il n’est pas encore géré par le syndicat mixte, mais qui recèle néanmoins plusieurs espèces rares parmi les herbacées présentes, notamment en entrée de pâture.
La balade s’achève sur le bord de la falaise, où poussent les orchidées sauvages, et qui est un « spot » connu pour observer la migration des passereaux qui suivent le trait de côte pour se déplacer. Notre guide nous signale ainsi un passage de 13 000 Pipit Farlouses en une journée, peu de temps avant notre venue !
Enfin, car tout à une fin, on goûte à nouveau aux belles allées fleuries sur le chemin du retour, avant de quitter ce lieu enchanteur. La visite est organisée tous les ans au printemps, je vous la recommande vivement ! Il faut guetter les annonces du syndicat Mixte Baie de Somme lorsque les jacinthes sauvages sont en fleurs !