Month: juillet 2021

Instantanés de la Baie de Somme

Pour ce petit article, je vous emmène en baie de Somme au grés de mes pérégrinations…

On commence au Crotoy avec ce magnifique lever de soleil sur la baie, vu du ciel grâce au drone. Le bourg émerge à peine de la brume et les nuages colorés se reflètent sur le sable mouillé pour magnifier le paysage.

Nous passons ensuite au Cap Hornu avec un nouveau point de vue sur la chapelle des marins grâce aux haies taillées récemment. C’est aussi la rencontre avec Titine, la laie apprivoisée qui partage la pâture des chevaux sur les flancs du coteau. Ce sanglier qui dort le long du chemin suscite bien des interrogations chez les promeneurs…

Passage ensuite par les champs de coquelicots près de Pendé. Le soir venu, c’est un défilé de gens qui viennent s’y photographier, comme ces deux jeunes filles qui venaient là pour alimenter leur « Insta ».

Après un petit vol au dessus de la pointe du Hourdel, nous voici à Saint-Valery. Nous déambulons dans les rues de la vielle ville médiévale. Elles sont fleuries par l’association qui gère l’Herbarium. Le long des quais, se sont les terrasses enfin rouvertes qui font les délices des promeneurs.

Le temps de croiser la locomotive Corpet qui tire le petit train à vapeur de la baie de Somme et nous voici au Marais du Crotoy pour assister à l’arrivée des chevaux Henson. La troupe vient boire et s’offrir quelques bains de poussières les pattes en l’air. Les vaches Highland viennent aussi prendre le frais en s’installant dans l’étang. L’une d’elle ira même provoquer beaucoup d’émotion chez les mouettes en allant piétiner les nids sur l’ilot où est établie la colonie.

Retour sur Le Hourdel et vol au dessus du fond de baie pour la suite, avec les agneaux de prés-salés encore parqués pour la nuit près de Saint-Valery, dans les mollières. Et pour finir, un bel arc-en-ciel qui m’aura accompagné depuis les renclôtures jusqu’à Nouvion et la forêt de Crécy.

La culture du lin textile en baie de Somme

Le lin textile aime les sols riches en limon, pauvres en craie et le climat maritime, ce qui en fait une des cultures les mieux représentées en baie de Somme. Notre département de la Somme est d’ailleurs un des dix principaux départements producteurs en France. Le lin est semé en Mars et arraché à la mi-juillet en général et cette culture nous offre parfois le spectacle dans champs de lin en fleurs. Il faut un peu de chance pour y assister, car les plantes ne fleurissent pas toujours toutes ensemble. Dans ce cas, c’est juste une impression de bleuté qui se dégage. Mais quand les fleurs arrivent toutes simultanément, c’est vraiment joli. Par contre çà ne dure guère plus d’une demi-journée, les fleurs fanent et tombent très vite, on fait la photo tout de suite ou pas du tout !

Après la floraison, le lin forme ses graines et les champs passent du vert au marron. Ensuite, il n’est pas coupé, mais arraché, avec de drôles de machines qui rappellent un peu les véhicules de Diabolo et Satanas dans les Fous du volants pour ceux qui ont connu ce dessin animé. L’ensemble des fibres de la tête à la racine est ainsi préservé. Ces machines sont également utilisées ensuite pour retourner le lin sur la terre. C’est la période du rouissage, une opération qui requiert toute l’expérience de l’agriculteur. Durant cette période de plusieurs semaines où les andains de lin sont posés à terre, près de 215 espèces de champignons et 95 espèces de bactéries vont détruire la pectose, qui est le liant naturel entre les fibres de la plante. Pas assez de rouissage et les opération suivantes seront difficiles, trop de rouissage et les fibres dégradées seront de mauvaise qualité.

Lorsque le lin est prêt, il est roulé pour former de grosses meules. Elles sont transportées à la coopérative de Martainneville (dans le Vimeu, à l’ouest de la Somme, entre Abbeville et Blangy-sur-Bresle) pour l’essentiel. C’est là que se déroulent les opération de teillage pour produire la filasse notamment. La filasse est la fibre la plus longue extraite de la paille de lin, destinée pour l’essentiel à l’industrie du vêtement en chine. Elle représente environ un quart de la matière première. Les fibres courtes (les étoupes) sont quant-à-elles mélangées à du coton ou de la laine, ou utilisée pour faire du papier à cigarette ou pour les billets de banque, ou encore pour les matériaux d’isolation. Les graines du lin textile ne sont pas comestibles. elles servent à faire de l’huile pour les peintures ou encore pour l’alimentation du bétail. Au final, il reste environ 50% du poids de la paille de lin initiale, qu’on appelle les anas. On les utilise pour la confection de panneaux agglomérés car c’est un bon isolant phonique. Les anas sont également utilisés pour pailler les jardins ou comme litière pour les chevaux. Enfin, les poussières servent de compost.

Le Festival de Cerfs-volants de Cayeux-sur-mer

Voici une série de photographies réalisées à Cayeux lors de la grand fête des cerfs-volants. La météo était parfaite ! Un grand plaisir de sortir à nouveau dans ces manifestation.

C’est une manifestation des plus sympathiques que ce petit festival des Cerfs-volants de Cayeux. Il n’a pas grand-chose à voir avec les Rencontres Internationales de Cerfs-volants de Berck qui drainent les foules sur la côte d’Opale. A Cayeux, on est sur un format familial, le temps d’un week-end, avec quand même une petite centaine de cervolistes de la région qui viennent tout spécialement. Ici le vent laminaire est stable, sans turbulences, très propice à la pratique de ce loisir. On peut ainsi admirer de nombreux cerfs-volants simultanément, dont certains très volumineux. Les « statiques », telles que pieuvres, licornes, canards, poissons et personnages divers s’élèvent dans les airs et colorent le ciel de leurs teintes vives. Les passionnés de cerf-volant partagent volontiers leur savoir-faire et les débutants peuvent s’initier au pilotage ou à la fabrication. Vu de la plage, les couleurs des cabines se marient avec celles des cerfs-volants pour former un joli camaïeu et un beau spectacle. Il y a également moult fanions et éoliennes pour parfaire l’ambiance, et des démonstrations de vol synchronisé pour de belles chorégraphies.

Fêtes de la vapeur en Baie de Somme

On les entend siffler régulièrement, on voit leur panache de fumée au loin, on les croise au passage à niveau ou lorsqu’ils entrent en gare, les petits trains à vapeur font partie intégrante de la vie de la baie de Somme.  En 50 ans, les trains à vapeur touristiques sont devenus une véritable institution portée par l’association du Chemin de fer de la Baie de Somme (CFBS) [1]. L’association restaure du matériel ferroviaire et entretient la mémoire du réseau des bains de mer inauguré en 1887. L’association regroupe de nombreux passionnés qui connaissent sur le bout des doigts les différents écartement de voies, les modèles de locomotives et de wagons, etc… Il sauront aussi vous raconter comment le développement du train a modelé les paysages, notamment en endiguant le fond de baie et en participant ainsi involontairement à l’ensablement de celle-ci. L’histoire de ce train est également intimement liée à l’histoire du développement économique de la région, avec le transport des galets et des coques, des betteraves, de la chicorée, ou encore du bois de la forêt de Crécy… C’est en 1957 que les dernières locomotives à vapeur sont définitivement réformées. Le site internet de l’association détaille toute cette page de l’histoire locale.

Aujourd’hui le CFBS emploie une vingtaine de salariés permanents et transporte jusqu’à 200 000 visiteurs par an, ce qui en fait un des tout premiers chemin de fer touristique européen. L’association organise régulièrement la Fête de la Vapeur, une grande manifestation sur tout un week-end. D’autres trains à vapeur sont invités à venir partager les voies dde la baie de Somme et d’anciens véhicules tels que bus, tracteurs, machines-outils à vapeur sont en démonstration. Les photographes sont nombreux pour l’occasion à venir se poster le long des voies ou dans les gares !

Pour cette édition 2021, la météo n’était pas vraiment de la partie, et il fallait encore faire avec ces fichus masques sur les visages. Pour autant, les quelques éclaircies ont permit de capter de belles lumières, et c’est l’occasion pour les photographes de se remettre eux-aussi au noirs et blanc, comme à l’époque ! Alors un grand merci aux organisateurs !


[1] Chemin de Fer Touristique Baie de Somme :

Les pêcheurs du Hourdel

Rose-orangée après la cuisson, la crevette grise (Crangon crangon) mesure 5 à 7 cm, et sa couleur naturelle varie en réalité suivant le milieu où elle vit (jaune sable, verte, ou grise). On la trouve près du fond, à faible profondeur (moins de  20 mètres). Elle se nourrit la nuit et se déplace surtout à marée haute. Pour autant, elle ne s’éloigne guère de l’estuaire où elle est née [1].  Elle reste enfouie dans le sable le jour, ne laissant dépasser que ses antennes, pour se protéger des prédateurs. La crevette grise est omnivore et c’est un excellent nettoyeur des fonds marin, mais qui concentre les polluants de ce fait.

En baie de Somme, suivant les saisons, les pêcheurs attrapent la crevette grise, la sole, la limande, le turbot ou le carrelet. La crevette grise est une spécialité des pêcheurs du Hourdel, qui réalisent 5% à 10% de la production française. Ce crustacé est rapide et agile, ce qui lui vaut le surnom de « sauterelle« . Par extension, les chalutiers sont donc des « sauterelliers« [2]. Ces bateaux sont relativement petits, de 9 à 12 mètres, et embarquent 1 à 3 marins pêcheurs pour une dizaine d’heures en général, parfois plus. Ils raclent le fond avec un chalut spécifique et vanté comme très sélectif. Ce type de chalut (« Devismes et Asselin », du nom de ses concepteurs) a été mis au point par un pêcheur du Crotoy afin de séparer les crevettes capturées des poissons qui sont relâchés. A l’inverse des chaluts classiques, les « gros » dont la taille est supérieure à celle d’une crevette peuvent s’échapper, mais pas les petits. C’est une pêche côtière, pratiquée dans les estuaires de la Somme, de l’Authie et de la Canche principalement, et de façon artisanale.

Pour autant, l’activité de pêche professionnelle en baie de Somme se résume aujourd’hui pour l’essentiel à quelques chalutiers amarrés dans le petit port du Hourdel.  Durant les mortes eaux, les bateaux sont contraints à aller au Tréport, faute de disposer d’assez de tirant d’eau en baie. Le petit port est alors vide de ses pêcheurs. Quelques familles font perdurer cette activité depuis plusieurs générations, mais leur nombre diminue peu à peu, faute de repreneurs. La raréfaction du poisson est la principale cause de cette désaffection. En 2018 l’Ifremer[4] a d’ailleurs publié une étude estimant que 80% du poisson a disparu en baie de Somme sur ces 30 dernières années. L’étude impute cette disparition au réchauffement des océans, particulièrement exacerbé en Baie de Somme et dans toute la partie Manche/Mer du nord. Il est en effet 4 fois plus rapide ici que dans la moyenne des océans.

C’est donc une véritable chance de pouvoir encore être témoin de cette activité traditionnelle. Voir les enfants accompagner en courant le retour des bateaux dans le chenal ou bien suivre les curieux pour assister au déchargement de la pêche sont des plaisirs simples qu’il faut savoir apprécier… Sans parler de la dégustation !


[1] Etat des lieux des pêcheries de crevettes grises dans les estuaires de la Loire et de la Vilaine, Sylvain Rocheteau, 14/9/2014, Mémoire de fin d’études, Master Sciences Agronomiques et Agroalimentaires Spécialité Sciences Halieutiques et Aquacoles :

[2] Ville de Cayeux-sur-mer : https://www.cayeux-sur-mer.fr/economie-et-developpement/peche-profesionnelle/

[4] Ifremer : Baisse de 80% de l’abondance de poissons en 30 ans en baie de Somme

Mers-les-bains, ses villas et son histoire

Pendant des siècles les bords de mer n’étaient fréquentés que par les pêcheurs ou les douaniers. S’y baigner et poser sa serviette sur la plage aurait alors paru une idée bien saugrenue… Lancés au XVIIème siècle en Angleterre, les bains de mer sont à l’origine une pratique médicale. Il s’agit alors seulement de remplir des baignoires d’eau de mer, chauffée ou non [1].  La faculté de médecine de l’époque préconisait même des bains d’une durée de 13 minutes pour soigner la folie, les maladies de peau ou encore la rage… [2]. Au XIVème siècle, à Brighton (UK), des établissement luxueux et confortables accueillent les patients alors que la France est à la traine. En 1822, les élus de Dieppe décident cependant de doter la ville d’un établissement digne de concurrencer les Anglais. Ils innovent en proposant le bain « à la lame », la pente douce de la plage permettant de plonger les baigneurs directement dans la mer et non plus dans des baignoires, afin de bénéficier de l’hydromassage des vagues.

C’est la Duchesse de Berry qui popularise cette pratique auprès de la cour et de la bourgeoisie française en se rendant chaque année dans l’établissement de bains de Dieppe. La jeune princesse est alors veuve et enceinte. Son mari le Duc de Berry était promis au plus brillant avenir sous la Restauration, mais il a été assassiné pratiquement sous ses yeux devant l’Opéra en 1820. La santé de la princesse fut altérée par ce drame et elle se vit conseiller les bains de mer pour se rétablir. Elle fréquenta l’établissement à partir de 1824 et sembla se porter mieux puisqu’elle y revint 5 années de suite. Les bienfaits de l’eau et du grand air, sont alors plébiscités par les médecins hygiénistes. La tonicité de ces bains froids convient bien aux jeunes femmes anémiées et mélancoliques… La saison des bains de mer s’étendait de Juin à Septembre, mais c’est vraiment au mois d’Août, avec l’arrivée de la Duchesse, que la fête battait son plein avec moult spectacles, bals et concerts…

Peu à peu, les bains de mer perdent leur caractère médical et en 1948, l’arrivée du train démocratise encore plus cette pratique. On peut ainsi lire dans Le Figaro du 27 août 1857 que « Les chemins de fer ont si bien fait, en mettant à quelques heures de Paris les plages qui en étaient autrefois éloignées de plusieurs journées, que tout le monde, ou à peu près, se passe la fantaisie des bains de mer. Les côtes de Normandie sont si près, leurs falaises si belles, leurs plages si invitantes, les trains de plaisir à si bon compte, qu’il n’est si mince bourgeois dans une minute de gaieté, qui ne se décide, une fois par saison, à se mettre quelques louis en poche pour aller voir si c’est de sable ou de galet que se composent les rives tour à tour envahies et délaissées par le flux et le reflux de l’Océan ».

La mode se répand alors sur les côtes françaises, mais il n’y a encore que peu de baigneurs sur la côte Picarde. Il faut attendre 1872 pour que Mers bénéficie de la construction d’une gare et que le chemin de fer réduise le temps de transport et les coûts.

A trois heures de Paris, le petit village de Mers devient la station Balnéaire de Mers-les-bains. Le front de mer est beau avec ses falaises, ses galets et sa plage de sable découverte à marée basse. Il y a de la place pour construire et l’aristocratie et la bourgeoisie de l’époque bâtit alors les belles villas que l’on peut encore admirer aujourd’hui. Il n’y avait pas de congés payés alors, et seules les classes aisées parisienne, amiénoise, et du Nord pouvaient financer ces villégiatures. Chacun des propriétaires affirme ainsi son rang social et ce sont les premières résidences secondaires de notre monde actuel. Près de 600 villas Belle Epoque sont érigées, avec des styles et des influences variés (Anglo-normand, Flamand, Picard, Mauresque, Renaissance, Louis XIII, Napoléon III, années 30…), dans un mélange pourtant harmonieux. De nombreuses décorations sont présentes sous formes de briques ou de carrelages émaillés, de céramiques, de faïences, de mosaïques, de frise… [3]. Afin de permettre au plus grand nombre de profiter de la vue sur la mer, les villas sont hautes de 2 ou 3 étages et étroites. Les balcons en bois sont travaillés et décorés, on note des oriels et des bow-windows, les toits pointus… Les couleurs sont vives et variées, la rue principale le long de l’esplanade semble ainsi multicolore. Au soleil couchant, les façades sont éclairées par la lumière chaude, le spectacle est superbe. Pour peu que la marée soit descendante, le camaïeu de couleurs se reflète sur le sable mouillé, pour le plus grand plaisir des photographes depuis la plage. Le quartier balnéaire Mersois est aujourd’hui classé « Site Patrimonial Remarquable » et bénéficie à ce titre de moyens de conservation et de restauration. Certaines de ces villas sont habitées à l’année mais d’autres ont gardé leur statut de résidence secondaire.

Chaque 4ème week-end de Juillet, la ville de Mers-les bain organise la fête des baigneurs pour faire revivre la « Belle époque » le temps d’un week-end. Cette période s’étend de la fin du XIXème siècle à la première guerre mondiale en 1914.   Ce terme de « Belle époque » évoque aujourd’hui encore la nostalgie d’un monde insouciant, gai, ayant foi dans le progrès, avec de nombreuses avancées technologiques, sociales, économiques et politiques en France.

C’est en effet l’avènement de l’électricité, de la radio, de la bicyclette, de l’automobile et du train… La création artistique et littéraire est foisonnante avec des auteurs comme Baudelaire, Hugo ou Zola, le cinéma des frères Lumière, les peintres impressionnistes puis le fauvisme et le cubisme, la sculpture avec Rodin… La classe ouvrière d’alors en profite peu, mais dans l’aristocratie et la bourgeoisie, les femmes connaissent une certaine émancipation. Elles accèdent aux études, deviennent enseignantes ou journalistes… Certaines s’engagent en politique pour obtenir le droit de vote. Marie Curie obtient la reconnaissance des scientifiques encore essentiellement masculins…

La fête des baigneurs permet de voir les costumes d’époque sur les gens qui déambulent dans les rues et de se costumer soi-même.  Il y a de vieilles voitures et un vieux train à vapeur, les personnes costumées défilent et un concours du plus beau costume est organisé. Et comme les années folles sont assez proches, il est possible de s’initier à la danse du Charleston. De quoi s’offrir un voyage dans le temps en famille !


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