Le petit train de la Baie de Somme : voyage au rythme du soir

Quand le jour décline lentement sur la côte picarde, la Baie de Somme se prépare à livrer l’un de ses plus beaux visages. Là, entre ciel et mer, entre l’éclat d’un soleil qui s’attarde et les herbes salées des mollières, le Petit train de la Baie de Somme trace son sillon comme un fil de poésie dans le grand paysage.
Dans le roulis lent et doux du petit train, on remonte le temps. Les wagons anciens, aux boiseries patinées, semblent porter encore les murmures de voyageurs d’un autre siècle. Le sifflet, discret et mélancolique, résonne comme une promesse — celle d’un soir suspendu, loin du tumulte des jours pressés.
C’est à l’heure dorée que commence l’aventure des soirées « dîner à bord ». Le train quitte Noyelles, glissant paisiblement au cœur des prés salés. Les conversations s’adoucissent, les regards se posent plus longtemps sur le monde qui passe lentement par les fenêtres entrouvertes.
Le repas est simple et raffiné, il accompagne l’instant partagé, la chaleur des visages, le cliquetis discret de la vaisselle, et cette impression d’être ailleurs — suspendu entre ciel et terre. À chaque bouchée, le paysage se transforme : le ciel rosit, la lumière s’étire, les reflets se font liquides sur les vasières.
Et puis, soudain, la baie s’offre toute entière, large et silencieuse, comme une respiration profonde. Les mollières, ce fouillis tendre d’herbes et de vase, deviennent or et argent, mouvantes et vivantes, épousant la lumière du soir. C’est juste le moment de regarder, de se taire, d’écouter. Là-bas, quelques oiseaux tracent encore des arabesques dans un ciel d’encre naissante.
Le retour se fait dans la pénombre bleue, le cœur un peu serré d’avoir effleuré la beauté. Le petit train de la Baie de Somme ne va pas vite. C’est justement pour cela qu’il touche l’âme. Il invite à l’abandon, à la contemplation, à ce luxe rare : le temps de regarder passer le monde et d’y inscrire, le temps d’un soir, une trace discrète, comme un battement de cœur sur les chemins du vent.